Mort du commerce du centre ville d'Altkirch ( 2 )

Publié le par Charlie du Sundgau

ALTKIRCH

Zone commerciale : « Pour nous c’est une concurrence frontale »

Olivier Boule et Antoine Waechter, parmi les plus virulents opposants au projet de construction d’une zone commerciale sur l’ancienne friche industrielle Jédelé, ne désarment pas. Dynamik Altkirch envisage déjà un recours devant le TA.

Si l’enquête publique est close depuis le 12 juin, les pro et les anti sont loin d’avoir dit leur dernier mot. Dans cette deuxième catégorie, nous avons au moins deux protagonistes : le conseiller régional écologiste Antoine Waechter et Olivier Boule, qui se présente avec la double casquette de président de l’association des commerçants Dynamik Altkirch (fonction qu’il avait mise en suspens le temps des élections) et de vice-président d’Attentifs et mobilisés pour Altkirch, AMA, formation post-élections municipales.

Tous deux ont à plusieurs reprises manifesté leur opposition au projet de construction d’une zone commerciale sur l’ancienne friche industrielle Jédelé, en périphérie de la ville. Un projet porté par Luc Brunet, gérant de la SCI LB développement et patron du Centre E. Leclerc d’Altkirch. Hier matin, lors d’une conférence de presse, ils ont réaffirmé leur farouche opposition au projet, dans une « approche » qualifiée de « différente et complémentaire ».

Les enjeux de ce « gros projet » selon Antoine Waechter ? « Les grandes enseignes perdent de la clientèle depuis plusieurs années, car elle s’oriente de plus en plus vers des commerces plus petits. La stratégie des grandes surfaces est de créer des centres commerciaux pour déplacer et se réapproprier la clientèle » , analyse l’écologiste, que l’on attendait davantage sur des positions environnementales, mais qui place son analyse au niveau économique et d’aménagement du territoire. « Le projet ici est tel qu’il y aura un déplacement des clients du centre-ville vers la périphérie. Or, s’il n’y a plus de commerces en centre-ville, c’est un centre-ville mort. »

Pour l’élu, la présence du commerce en centre-ville est un élément essentiel de l’attractivité de la commune. « Altkirch ne doit pas perdre son statut de bourg centre, car il est important pour un territoire comme le Sundgau de se structurer autour d’une trame urbaine, avec sa capitale et ses bourgs secondaires, afin que le territoire ne soit pas uniquement une zone résidentielle. » Le projet de zone commerciale, il le qualifie de « Kaligone bis » : « On est ici face à un risque de déclin du centre-ville sans être assuré du succès de cette zone commerciale. »

Du côté environnemental, le président du MEI admet que « des efforts ont été faits pour intégrer le projet dans le site avec des aménagements paysagers ». Par contre, il estime que le traitement des bâtiments est « sommaire et classique pour assurer un amortissement sur trois ans ; ce n’est pas à la hauteur de ce qui se fait aujourd’hui, or le sous-investissement dans ce domaine est un facteur d’échec car l’espace ne sera pas aussi attractif et c’est ce qu’ont bien compris les villages de marques. » Antoine Waechter et Olivier Boule dénoncent aussi le « changement de politique de la Ville : à un moment donné la commune investit dans la valorisation de son centre-ville et quelques années plus tard, les élus prennent le risque de dévitaliser le centre-ville. »

En somme, pour l’écologiste, « l’enjeu de ce projet ne se situe pas en terme d’environnement, ils en ont tenu compte, mais en terme de qualité de vie, d’aménagement et de gestion du territoire. » Il réfute également en bloc l’argumentaire selon lequel cette nouvelle zone commerciale serait à même de lutter contre l’évasion commerciale des clients. « Je n’y crois pas du tout. Une partie de la population du Sundgau travaille dans des pôles urbains voisins et y fait ses courses, c’est un type d’érosion naturel qu’on n’enrayera pas. Or là, avec ce pôle commercial en périphérie, on crée de la concurrence à l’intérieur du même territoire. »

Même son de cloche du côté d’Olivier Boule, également patron d’une enseigne au centre-ville d’Altkirch, qui n’y voit « qu’une concurrence avec les commerces du centre-ville, en interne dans le territoire, mais pas avec Mulhouse. On ne diversifie pas l’attractivité de la ville. » Et de citer la surface dédiée au bricolage : « On en a déjà deux à Altkirch. » Les chausseurs ? Le prêt-à-porter ? Deux segments en concurrence directe selon lui avec les établissements représentés au centre-ville. Du jardinage ? « Nous en avons deux en ville. » Un magasin de vente d’articles de sport ? « Sport 2000 (dont le patron est aussi le président du groupement d’Altkirch Traditions) va certainement se déplacer sur ces 2000 m² prévus », sourit Olivier Boule qui commente : « On comprend mieux aujourd’hui pourquoi certains commerçants sont pour ce type de projets. »

Le président de Dynamik Altkirch ne se dit pourtant pas « contre les centres commerciaux » mais plaide « pour le faire intelligemment ». Et estime faisable un centre commercial en centre-ville, dans l’ancien tribunal ou sur le site de l’ancien LEP. « Ça aurait été un très beau centre commercial, qui aurait gardé toute son attractivité au centre-ville. » Pour lui, la création d’une zone en périphérie de ville, à 3 km du centre, est aussi contradictoire avec la future résidence senior en projet et le commerce de proximité et toutes les commodités que l’on met en avant pour attirer les seniors : « Car avec la concurrence de cette zone, les commerces du centre risquent de ne pas tenir le choc. »

Il estime que d’autres aménagements auraient été possibles sur cette friche industrielle. « Le Center Kids et la salle de gym à Wittersdorf, à un kilomètre de là, fonctionnent et auraient pu se faire sur cette friche, tout comme une zone environnementale et éducative pour les enfants. » Il reprend l’idée avancée durant la campagne municipale d’y développer une zone de loisirs, un petit Laguna, voire même la construction de la nouvelle gendarmerie et de la nouvelle caserne des pompiers. « Mais on nous avait traités d’utopistes, de Mickeys ! »

« Le danger, c’est qu’il y aura un partage du potentiel commercial »

Olivier Boule pointe encore du doigt « l’évident manque de concertation avec les commerçants du centre-ville. Pour nous c’est une concurrence frontale. Aujourd’hui on ne sait pas du tout quelles seront les enseignes présentes dans cette zone, on nous avait dit qu’elles seraient annoncées, elles ne l’ont pas été », déplore encore le président de Dynamik Altkirch. « Le danger c’est qu’il y aura un partage du potentiel commercial sur la zone, on ne va pas l’augmenter », assure Antoine Waechter. « Ou un tout petit peu, mais assez pour maintenir le commerce en centre-ville », martèle encore Olivier Boule qui ne croit pas un seul instant aux navettes ou aux chèques cadeaux à valoir au centre-ville. Des critiques et des objections qui leur font craindre au final de « se retrouver avec une friche en centre-ville et une deuxième en périphérie ».

L’AMA, présidée par Christophe Walch, demande que le permis de construire « ne soit pas accordé en l’état ». Dynamik Altkirch annonce déjà qu’il déposera un recours au tribunal administratif dès que le permis serait déposé, en faisant prévaloir les arguments relevés dans la lettre jointe au registre de l’enquête publique (lire ci-contre).

En attendant, le commissaire enquêteur a un mois pour rendre son rapport. À noter aussi que le PETR du Pays du Sundgau (ex-SMS) doit, selon le conseiller régional, également donner son accord.

Article écrit par Laurence Behr

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M
pas faux, le CV de Altkirch se mortifie ...
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